Dans le monde professionnel, les mots ont du poids. Ils façonnent les regards, orientent les décisions et influencent la façon dont vous êtes perçu… parfois même la façon dont vous vous percevez vous-même.
Passé 50 ans, certaines expressions peuvent devenir des freins, dans une candidature comme dans un poste déjà occupé. Mais bonne nouvelle : il est possible d’en reprendre le contrôle.
Quand le vocabulaire devient une étiquette
Des termes comme « travailleur âgé », « senior en fin de carrière » ou « proche de la retraite » semblent anodins. Pourtant, ils véhiculent des clichés : difficulté à évoluer, manque de souplesse, départ imminent…
Sophie, 55 ans, directrice marketing expérimentée, le vit à chaque recrutement. Dès qu’un recruteur la classe mentalement parmi les « candidats seniors », surgissent des questions implicites : Va-t-elle suivre le rythme ? Est-elle à l’aise avec le digital ? Acceptera-t-elle un manager plus jeune ? Résultat : des opportunités ratées, non pas sur base des compétences, mais à cause de préjugés.
Mais ces biais ne s’arrêtent pas à l’embauche. Une fois en poste, certains collègues s’étonnent qu’un collaborateur de 58 ans soit « encore très dynamique », ou qu’il « maîtrise bien les outils numériques pour son âge ». Des compliments en apparence… mais qui laissent entendre que ce n’est pas la norme.
Le langage au quotidien : subtil… mais impactant
Catherine, 56 ans, responsable de projet, partage son vécu : « Quand je propose une idée en réunion, j’entends parfois Toi, avec ton expérience, tu dois avoir raison, mais sur un ton qui me range dans la case des anciens. Et quand j’apporte une proposition innovante, certains sont surpris. Comme si expérience et nouveauté ne pouvaient coexister. »
De tels commentaires, même bien intentionnés, peuvent faire glisser doucement vers une image figée : celle de la conseillère, du pilier discret, mais plus vraiment de l’actrice du changement.
En recherche d’emploi ? Ne vous laissez pas enfermer
Si vous êtes en transition professionnelle, la vigilance commence dès la première ligne de votre CV. Evitez les formulations qui datent votre parcours.
- Remplacez « 30 ans d’expérience » par « expertise éprouvée en… »
- Au lieu de « senior en recherche d’emploi », préférez « professionnel expérimenté dans… »
- Mettez en avant vos compétences clés : pilotage stratégique, accompagnement du changement, gestion de crise, etc.
Julie, 53 ans, consultante RH, a vu ses entretiens changer après une simple réécriture de son profil : de « 20 ans d’expérience en RH » à « spécialiste de la transformation organisationnelle et du développement des talents ». Les recruteurs se sont mis à parler de ses résultats, pas de son âge.
Déjà en poste ? Votre vocabulaire influence votre positionnement
Si vous êtes en activité, le choix de vos mots peut renforcer – ou au contraire affaiblir – votre légitimité. Bannissez les phrases qui vous positionnent comme dépassé :
✘ « De mon temps, on faisait comme ça. »
✔ « J’ai expérimenté une méthode qui pourrait nous inspirer. »
Lors des brainstormings, oubliez les « J’ai déjà vu ça », et misez sur des formules comme « Cette situation me rappelle un cas où nous avons trouvé une solution efficace. » Vous passez de l’ancien combattant à la ressource stratégique.
Laurent, 61 ans, directeur des opérations, a vu la différence. « Avant, je disais A mon âge, je ne vais pas changer mes méthodes. Aujourd’hui, je dis Mon expérience me permet d’intégrer rapidement de nouvelles pratiques. Résultat : on me perçoit comme un moteur, pas un frein. »
Manager plus jeune ? Collaborer, pas comparer
Être managé par une personne plus jeune peut parfois créer des tensions implicites. Là aussi, les mots sont cruciaux.
✘ « Quand tu auras mon expérience… »
✔ « Ton approche me donne un autre point de vue. Voici ce que je peux y ajouter. »
Marie, 54 ans, chef de projet, l’a bien compris. « Dire Je peux apporter un éclairage complémentaire me permet de faire entendre ma voix, sans créer de clivage générationnel. »
Et si vous faisiez évoluer les mentalités autour de vous ?
En poste ou en recherche, vous pouvez contribuer à changer les représentations. Parlez de « diversité générationnelle », d’« équipes intergénérationnelles », de « professionnels aguerris ». Ces mots valorisent l’expérience sans enfermer.
Lors d’une évaluation annuelle, ne parlez pas de « fin de carrière », mais de vos objectifs à moyen terme. En formation, ne dites pas « C’est plus difficile à mon âge », mais « Je suis curieux de renforcer mon expertise. »
En conclusion : vos mots ont du pouvoir
Les mots que vous choisissez pour parler de vous – en entretien, en réunion, sur LinkedIn ou autour de la machine à café – construisent votre image professionnelle. Ils peuvent vous enfermer dans une case… ou vous positionner comme une personne ressource, adaptable, précieuse. A vous de choisir ceux qui vous portent, et ceux qui vous freinent.